La mort d’un tout petit enfant, avant, pendant ou peu après sa naissance, place les parents, les grands-parents, les fratries, dans une vulnérabilité extrême. Comment trouver les mots ? Comment ne pas blesser plus encore ? Peut-on vivre ce deuil sans se sentir si seul ? Le deuil périnatal est un deuil peu connu et souvent mal compris. Perdre un bébé représente pour les parents un chagrin d’autant plus intense qu’il n’est pas ou peu partagé de l’entourage familial ou amical. Ainsi, ces parents que l’on peut voir appeler « paranges » ne s’autorisent pas toujours à rendre hommage par une célébration funéraire alors qu’elle représente le démarrage de leur processus de deuil.
Lorsque l’on parle de mort périnatale, cela signifie que le décès survient soit en cours de grossesse, ou à la naissance, ou bien dans les heures ou les jours qui suivent l’accouchement. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on parle de deuil périnatal lorsque des parents perdent leur bébé entre la 22e semaine d’aménorrhée et le 7e jour après sa naissance.
En fonction du délai ou des circonstances du décès, des différents thermes sont utilisés :
Lorsqu’il s’agit d’une fausse couche, cela signifie le décès d’un embryon ou d’un fœtus non viable pesant moins de 500 grammes, qui survient au cours des 20 premières semaines de grossesse. À ce moment-là, il n’y a pas de démarches administratives à faire, car il n’y a pas reconnaissance légale. Cependant, les parents sont totalement libres d’organiser une cérémonie ou un rite d’au revoir.
« Il est possible d’organiser un rite d’au revoir en allumant une bougie par exemple, en lisant un texte ou un poème au sein du couple ou bien de faire réaliser un cadre souvenir d’un montage personnalisé et finement conçu. Encore tabou dans nos sociétés, la fausse couche reste quelque part un non-dit mais une réelle épreuve dans la vie d’une femme. Pour inciter au dialogue, je conseille l’ouvrage « La petite graine qui ne voulait pas pousser » de Aurélie Bianchi, doula spécialisé dans le deuil périnatal. C’est l’opportunité de pouvoir rendre concret ce bébé en plantant réellement une graine dans un jardin ou un lieu de votre choix » éclaire Audrey Gourlaouen, maîtresse de cérémonie L’autre rive.
Il n’y a pas nécessairement de funérailles, et suivant les délais, ni d’acte de naissance ou de décès pour souligner l’existence d’un bébé mort trop prématurément.
Cependant, la législation indique précisément les démarches possibles :
Depuis le 1er juin 2022, le nouveau livret de famille permet aux parents qui le souhaitent, de déclarer prénoms et nom d’un enfant né sans vie. Auparavant, la déclaration était possible, mais sans mention de nom.
Les deuils sont légitimement des épreuves. Cependant, le deuil périnatal diffère par de nombreux aspects et constitue un traumatisme particulièrement difficile à vivre pour les parents et notamment les mères.
En effet, aucun parent n’est préparé à perdre un enfant avant ou après sa naissance, car ce scénario ne fait pas partie du processus projectif. Un enfant, c’est la vie et une vision positive vers le futur et des projets familiaux, contrairement à la perte d’une personne ayant vécu, ou le syndrome est celui de se remémorer les souvenirs du passé et ce qu’on a vécu avec le défunt.
De plus, le lien affectif avec l’enfant à naître s’amorce à différents moments. Pour la plupart des parents, ce lien s’établit bien avant la naissance du bébé, souvent avec les premiers mouvements fœtaux et parfois même dès la planification de la grossesse, comme lors d’un parcours de PMA (procréation médicalement assistée). Les techniques avancées d’échographie permettent aux parents d’entendre le cœur du bébé, de le voir en imagerie 3D, et même d’entrer avec lui en communication via la pratique de l’haptonomie. Ce sont autant de progrès qui amènent à intégrer rapidement la présence du bébé, mais cela dans le cercle très fermé des parents, de la fratrie et du noyau familial et amical proche.
Lorsque le décès survient, l’onde de choc n’est que démultipliée et impactent les parents bien plus largement :
Démunis, les parents, souvent jeunes, n’ont que très peu été confrontés au deuil et surtout à l’organisation d’obsèques. Ils souffrent d’un isolement dans leur peine, d’une faible écoute face à leur deuil et d’un manque de reconnaissance sociale. Un gap se crée entre la tristesse intense des parents et un entourage certes dans la peine, mais beaucoup moins sensible à la perte de ce petit être mort-né. Les proches peuvent se sentir mal à l’aise de parler de ce décès avec les parents.
« Aux yeux des parent, le besoin de reconnaitre l’existence de leur enfant, se fait ressentir comme une évidence, pour rendre hommage et garder trace de leur bébé. Ne rien faire, reviendrait à refuser l’idée qu’il a pu exister » poursuit Audrey Goulaouen.
L’émotion est telle, après la mort d’un bébé, que les parents et notamment les mères sont dans l’incapacité d’initier l’organisation d’obsèques. « N’oublions pas que les mères doivent surmonter une douleur physique post-accouchement et une douleur émotionnelle intense. Face à l’incompréhension, l’isolement, et le manque de repère, nous sommes là pour écouter, soutenir et accompagner les parents dans le respect de leurs cultures ou leurs croyances » précise Audrey Goulaouen.
Si l’enfant a un état civil complet, c’est-à-dire un acte de naissance et de décès, organiser ses obsèques est obligatoire. Et désormais, quel que soit le terme, dès qu’un certificat d’accouchement a été établi par le médecin, des obsèques individuelles sont possibles. Mais même si aucun document ne peut être délivré, dans la situation d’une fausse couche spécifiquement, les parents restent libres d’organiser une cérémonie d’hommage de leur choix.
Les services de pompes funèbres sont à l’écoute pour organiser une célébration et guider les parents. « C’est un moment essentiel pour évoquer l’enfant, le nommer, lui donner une place. C’est aussi l’opportunité de ne pas faire de ce drame un silence, un tabou, un non-dit, de donner un rôle au père et de laisser à l’entourage l’opportunité d’apporter son soutien. Pour démarrer un deuil, il faut un point de départ » indique Audrey Goulaouen.
Tout se déroule comme pour un enterrement classique. Les parents peuvent apporter une tenue de leur choix, et prendre un temps de recueillement au moment de fermer le cercueil. Une crémation est également possible.
« Les parents sont souvent perdus dans la manière d’organiser les obsèques. Ils sont en souffrance et dans le désarroi, notre rôle est aussi de les guider vers des aidants comme des psychologues et de les inviter à s’ouvrir et laisser émerger leur peine. Nous proposons des idées comme réaliser un petit bijou avec l’empreinte de la main ou du pied du bébé, un lâcher de ballons, faire un hommage de dernier au revoir. Lors d’une célébration, nous avions préparé des stickers en forme de cœur, d’angelots et de soleil, pour que chacun puisse écrire un mot et le poser sur le cercueil. Via ce geste simple, les proches ont soutenu les parents. Ce temps de rituel est précieux pour tous » conclut Audrey Goulaouen.
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